Insigne métallique





La tenue militaire satisfait a un besoin d’identité. Les attributs que porte le militaire permettent de l’identifier. Les insignes qu’il arbore le situent dans l’armée et indique son arme et son unité. Les symboles marquent les caractéristiques majeures de l’unité et ses traditions.

Ce besoin d’identité apparait lors de la Première Guerre mondiale. Comme les chevaliers de jadis, les militaires éprouvent le besoin de sortir de l’anonymat et de se reconnaitre plus facilement lors des exercices et déplacements. Ainsi, pour s’identifier, des marques distinctives sont peintes ou dessinées sur la carrosserie des véhicules et le fuselage des avions. Peu à peu ces marques sont reproduites sous la forme de broches ou de breloques. Ainsi naissent les premiers insignes de poitrine.

Ces insignes de poitrine apparaissent d’abord dans des unités à tradition forte comme les chasseurs à pied ou dans les armes de création récente : aviation, chars de combat, service automobile. Au printemps 1917, l’artillerie spéciale en cours de formation se dote d’un attribut commun à toutes les formations. Il s’agit de la salamandre, insigne à la fois de subdivision d’arme et de spécialité, marque d’appartenance à une formation mais aussi signe apparent d’une qualification reconnue. Bien qu’il ne soit pas officiel, il est le premier à être d’emploi généralisé. Le général Estienne, le commandant des chars, le considère comme un « bijou de fantaisie » et lui préfère un attribut tissé : un heaume de profil sur deux canons posés en croix dont il rend le port réglementaire par l’ordre général n° 1 du 3 septembre 1917. Au même moment, l’insigne du train automobile se dessine peu à peu. C’est d’abord une roue de camion (référence à la Fortune souvent représentée dressée sur la roue et portant une corne d’abondance, par analogie à la mission du service automobile livrant les approvisionnements) à laquelle sont ajoutées des ailes. La roue se transforme peu à peu en couronne d’engrenage, symbole de la motorisation.

En 1935 est institué un attribut commun aux unités des troupes motorisées à porter sous la forme d’une broche accrochée à l’uniforme. Une circulaire ministérielle du 23 novembre 1937 impose que « tout nouvel insigne sera dorénavant soumis à l’approbation du commandant de région militaire ». C’est admettre l’existence et tolérer implicitement le port des insignes d’unités. Pendant ce temps, la direction de la cavalerie tente de codifier les insignes pour tous les régiments de l’arme. Mais en raison des attributs royaux et impériaux, en référence à l’origine et au passé de ces corps, qui apparaissant sur les dessins, la décision de création du projet est ajourné, puis enterré.

La circulaire 9 du 25 juillet 1938 précise que « les insignes distinctifs métalliques » sont réservés aux corps de troupe, avec quelques exceptions, en particulier pour les troupes dites indigènes. Il est interdit de porter plus de deux insignes métalliques. Toute création nouvelle est à soumettre au chef d’état-major de l’armée par l’intermédiaire de la direction d’arme ou service concerné, ce qui revient à retirer au commandement régional le pouvoir de décider en la matière. Les insignes déjà réalisés peuvent être vendus et portés sous réserve de respecter la limite fixée du nombre d’insignes portés. En 1940, le commandant en chef sur le front du Nord-est rappelle que les projets doivent être soumis au 3e bureau de l’état-major de l’armée et que quatre exemplaires des insignes réalisés doivent lui être fournis. Cette disposition est confirmée en 1945 mais limite à deux le nombre d’exemplaires à fournir. Les textes de 1938 et 1940 préfigurent l’homologation et la constitution d’une collection officielle annoncée dès 1919.

Le port des insignes de poitrine se développe rapidement. Drago, un fabricant niçois, met sur le marché des insignes émaillés. A titre publicitaire, il présente en double page centrale, dans le numéro du 15 juillet 1939 de L’Illustration, les insignes qu’il a réalisés pour les unités qui ont défilé sur les Champs-Élysées. La mobilisation quelques semaines plus tard entraîne la mise sur pied de nombreuses unités de réserve qui trouvent dans l’insigne un moyen commode et rapide de se donner un symbole commun. La demande est telle pendant la drôle de guerre que les fabricants habituels de médailles et broches et les émailleurs ne peuvent faire face. De petits ateliers se lancent dans la fabrication. L’Armistice ne met pas fin aux projets qui n’ont pas abouti et les amicales régimentaires prennent le relais des corps dissous. C’est ainsi, par exemple, que l’insigne de la 4e division cuirassée du général de Gaulle est livré à l’amicale des anciens en 1941.

La Seconde Guerre mondiale voit naître de nombreux insignes, en particulier pendant la « drôle de guerre » et la Libération. Ne pouvant plus juguler le phénomène, le commandement reconnaît l’existence des insignes. Le 3e bureau de l’état-major demande au Service historique de l’armée de Terre de lui fournir les avis dont il a besoin pour prendre ses décisions. Le Service historique crée en juin 1945 le bureau d’études de la symbolique militaire mais demande que la décision soit de son ressort exclusif, ne voulant pas être un simple donneur d’avis. Satisfaction lui est donnée en 1948. Le bureau de la symbolique militaire est, à partir de 1951, rattaché directement au cabinet du ministre de la Défense nationale, pour traiter des insignes de l’ensemble des armées. Les résultats ne sont pas satisfaisants et le 1er septembre 1955, le bureau regagne le sein du Service historique qui détient les archives, base de l’étude des insignes. Cependant le pouvoir d’homologuer les insignes est donné à un officier général placé à la tête du bureau d’études. Ce n’est qu’en 1960 que le pouvoir d’homologation est donné aux chefs des différents chefs des services historiques. En 1961, le bureau d’études devient section symbolique. Chaque service historique, Terre, Marine, Air, Gendarmerie, comporte une section symbolique chargée, entre autres, de ces questions et détient une collection des insignes de son armée.

Par sa référence au passé, l’insigne militaire marque aujourd’hui l’attachement à un héritage. Il tend à dynamiser la cohésion au sein d’une communauté particulière qui a son histoire, sa culture, ses règles et sa raison d’être. L’homologation des insignes assure la pérennité des modèles et sert en fait à en protéger la création originale.

Mais, l’emploi des insignes de corps ne satisfait plus entièrement les besoins. Les compagnies, batteries, escadrons, détachements… éprouvent le besoin de s’identifier et marquer leur présence dans un théâtre d’opération ou lors d’exercices. La demande est forte et de nombreux insignes non officiels voient le jour chaque année. Bien qu’il s’agit d’une tolérance, aucune homologation n’est envisagée, mais il n’est pas interdit de penser que cette situation évoluera vers une régularisation, ne serait-ce que pour éviter les débordements. 
 
Positionnement des insignes :
- insigne de Corps : accroché à la poche de poitrine droite.
- insigne de spécialité (limité à deux) : le premier au dessus de la poche de poitrine droite, le second au dessus.
- insigne de brevet militaire professionnel : au dessus de la poche de poitrine gauche et au dessus des barrettes de décoration.
- insigne de Grande Unité : sur le haut de la manche droite


Expression, tradition, coutume :
Les militaires appellent parfois leur insigne : pucelle !
D'où vient cette expression :
Certains insignes comportent un symbole évoquant Jeanne d'Arc, par extension le mot pucelle est donné aux insignes militaires ;
Autre supposition : la première fois qu'un insigne est porté avec son cuir, la boutonnière du bouton de la poche de son vêtement est ouverte (dépucelée) pour l'accrocher ;
Enfin, en 1914-1918, il existait peu d'insignes. Pour se protéger, les poilus agrafaient à leur vêtement une médaille de Jeanne d'Arc. D'où l'expression pucelle.